Le Joint Monitoring Program OMS/UNICEF a publié le 19 juin 2019 son nouveau rapport « 2000-2017 : focus spécial sur les inégalités » (accessible en ligne ici).Ce rapport évalue les progrès accomplis aux niveaux national, régional et mondial pour réduire les inégalités en matière de services d’eau et d’assainissement. Il comprend une analyse des inégalités entre pays et à l’intérieur des pays et identifie les populations les plus à risque d’être laissées de côté, en particulier sur ces 3 objectifs :
- Mettre fin à la défécation en plein air
- Réduire les inégalités dans les services d’eau, d’assainissement et d’hygiène de base (élémentaires)
- Réduire les inégalités dans les services d’eau et d’assainissement gérés en toute sécurité
DE NOUVEAUX INDICATEURS
En 2017, les Nations Unies avaient défini de nouveaux indicateurs permettant de mesurer l’accès à un « service d’eau potable géré en toute sécurité » et l’accès à un « service d’assainissement géré en toute sécurité ». Ces nouveaux indicateurs mondiaux avaient fait l’objet de premières estimations dans le rapport 2017 du JMP.
Définitions et indicateurs de base utilisés pour le suivi mondial des échelles de service de WASH

Point d’eau amélioré : eau courante, puits tubulaire ou forage, puits protégé, source protégée, eau emballée ou livrée
Installation sanitaire améliorée : toilettes à chasse d’eau vers un réseau d’égout ou une fosse septique, latrine améliorée à fosse ventilée, latrine à fosse avec dalle, toilettes à compostage
FRANCE METROPOLITAINE : LES CHIFFRES A RETENIR
Dans le rapport JMP 2019, l’erreur d’interprétation des résultats d’une enquête ménages de l’INSEE a pu être corrigée et l’accès à l’eau géré en toute sécurité est remonté à 97,9% en métropole (93,3% dans le JMP 2017).
A ce jour, sur les 64,8 millions d’habitant.es que compte la France métropolitaine, 2,1% de la population (soit 1,4 million de français.es métropolitain.es) ne bénéficient pas de cet accès géré en toute sécurité, mais seulement d’accès à des services de base (élémentaires).
L’accès à des installations sanitaires gérées en toute sécurité lui est estimé à 88,4% de la population française métropolitaine, soit 7,5 millions de personnes qui n’y ont pas accès. La cible 6.2 de l’ODD 6 est ainsi loin d’être atteinte sur le territoire métropolitain, sachant que 6 679 023 de personnes n’ont accès qu’à des installations de base (élémentaires) et 877 217 personnes n’ont accès qu’à des services limités (en grande majorité en zones urbaines).
OUTRE-MER : UNE SITUATION ALARMANTE
Les chiffres concernant l’accès à l’eau et à l’assainissement dans les territoires ultramarins ne sont pas comptabilisés avec ceux de la Métropole, tant les écarts sont importants. Un rapport de 2013 du CGEDD fait le constat que les outre-mer ont « 40 ans de retard dans la mise en œuvre de la politique de l’eau et d’assainissement[1]». Avec des taux d’accès à l’eau et à l’assainissement bien inférieurs à ceux de la Métropole, certains territoires doivent faire face à des enjeux similaires à ceux des pays en développement, ce qui reste d’autant plus choquant que ce sont des territoires français (Mayotte, Guyane, Guadeloupe, Polynésie française notamment) :
Selon les chiffres du JMP 2019 :
- En Guyane : 4,5% des habitantsn’ont pas accès à des services de base (élémentaires) d’eau potable (environ 35 000 personnes) et 3,4 % (environ 26 000 personnes) n’ont pas accès à des installations sanitaires améliorées. Plus de 16 000 personnes recueillent leur eau de boisson directement à partir des sources d’eau de surface et environ 4700 personnes pratiquent encore la défécation à l’air libre.
- A Mayotte : 16,3% des habitantsn’ont pas accès à des services d’eau potable gérés en toute sécurité (environ 41 000 personnes). Plus de 7000 personnes recueillent leur eau de boisson directement à partir des sources d’eau de surface. Aucun chiffre n’est disponible sur l’accès à l’assainissement.
Tous les DROM COMS n’ont cependant pas de données complètes présentées sur washdata.org par le JMP. Des chiffres complémentaires permettent de compléter cette vision.
Taux d’accès aux services d’eau potable et d’assainissement dans les DROMS-COMs :

DECRYPTAGE
D’où viennent ces chiffres?
Les chiffres avancés pour décrire la situation en France sont issus du « Joint Monitoring Programme » de l’OMS et l’UNICEF. Celui-ci met à disposition des données issues des statistiques nationales qui sont remontées au niveau onusien (pour la France : INSEE, Eurostat).
Comment expliquer ces chiffres?
Le chiffre avancé pour la France métropolitaine de « 1,4 million de personnes sans accès à une eau potable gérée en toute sécurité » signifie que ces personnes se trouvent sans accès à une source d’eau améliorée, au sens des trois critères suivants :
- Disponibles à proximité immédiate de leur domicile.
- Disponibles au moment où on en a besoin (régulièrement chaque jour).
- Sans contamination fécale, à l’arsenic ou au fluor.
Ce chiffre correspond donc à une grande variété de situations :
- Les personnes vivant sur un territoire où l’eau est contaminée (par des matières fécales, arsenic ou fluor) et impropre à la consommation (98,3 % pour la conformité microbiologique de l’eau au robinet, 98,2 % pour la conformité physico-chimique de l’eau au robinet)[9].
- Les personnes n’ayant pas accès à une source d’eau à l’intérieur de leur domicile : notamment en zone rurale, lorsque le logement n’est pas raccordé à un réseau d’eau et où la source d’eau se trouve à l’extérieur du domicile.
- Les personnes vivant dans des habitats de fortune, squats ou bidonvilles, sans raccordement au réseau d’eau et sans point d’accès à l’eau (77% des lieux de vie n’ont pas accès à l’eau potable sur site. Sources : Novascopia, Programme national de médiation sanitaire, 2015 Données recueillies dans 53 bidonvilles et squats de 8 départements français).
- Les « gens du voyage » subissant de mauvaises conditions d’habitat ou sans accès à une place dans les aires d’accueil aménagées.
- Les personnes sans domicile fixe, les personnes migrantes, dépendantes des points d’accès à l’eau publics.
Concernant l’accès à un assainissement géré en toute sécurité, le chiffre est interpellant pour la métropole : 7,5 millions de personnes vivent sans accès à un assainissement géré en toute sécurité, selon les critères établis par l’ONU.
Cela signifie que 7,5 millions de personnes en métropole, soit :
- N’ont pas accès à une installation sanitaire améliorée (toilettes à chasse d’eau vers un réseau d’égout ou une fosse septique, latrine améliorée à fosse ventilée, latrine à fosse avec dalle, toilettes à compostage)
- Partagent une toilette avec d’autres ménages.
- Ou bien que les déjections ne sont pas « traitées sur place en toute sécurité ou transportées et traitées hors du site ».
En pratique, les personnes impactées par ces situations de manque d’accès à l’assainissement sont majoritairement les plus précaires, bien que le chiffre recouvre des réalités différentes :
- Les personnes dont l’assainissement ne serait pas ou plus aux normes (avec dangers pour la santé des personnes ou risques avérés de pollution de l’environnement), notamment dans le cas d’un assainissement non collectif : on compte environ 5,8 millions d’abonnés en assainissement non collectif (12,4 millions d’habitants desservis). Le taux de conformité des dispositifs d’assainissement non collectif était en 2016 de 59,9 %[10]. 2,3 millions de ménages (principalement en zones rurales) se trouvent ainsi, encore aujourd’hui, en grande difficulté pour prendre en charge financièrement la mise en conformité de leurs installations d’assainissement autonome qui ne respectent plus les normes sanitaires et environnementales en vigueur.
- Les personnes vivant dans des habitats de fortune, squats ou bidonvilles, sans raccordement au réseau d’assainissement et sans toilettes
- Les « gens du voyage » subissant de mauvaises conditions d’habitat ou sans accès à une place dans les aires d’accueil aménagées
- Les personnes sans domicile fixe, les personnes migrantes, dépendantes des toilettes publiques.
- Les personnes devant partager leurs toilettes avec leurs voisins : il existe encore de nombreux logements proposant des toilettes partagées sur le palier.
En France aussi, ces situations de manque d’accès à une eau potable et à l’assainissement ont des conséquences lourdes sur la santé, l’accès à l’éducation, l’égalité des genres, l’économie et l’environnement. Face à cela des solutions existent !
C’est pourquoi la Coalition Eau et 30 associations partenaires ont lancé la campagne « L’eau est un droit » afin d’adresser leurs recommandations aux élu.e.s locaux et candidat.e.s aux élections municipales, ainsi qu’au gouvernement et aux parlementaires, afin de faire de 2020 une année marquante pour les droits humains à l’eau et à l’assainissement, à la fois en France et à l’international.
- Suivez les recommandations et les actualités de la campagne « L’eau est un droit » sur fr
[9] Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement « Panorama des services et de leur performance en 2016 ».
[10] Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement « Panorama des services et de leur performance en 2016 ».